• La Charte Commune Paysanne

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    Charte Commune Paysanne


    - Contexte
    - Constat
    - Leviers pour agir
    1. Autonomie & résilience
    2. Installation, formation, accès à la terre
    3. Alimentation & consommation des productions locales paysannes
    4. La PAAC (Politique Agricole et Alimentaire Commune), alternative à la Politique Agricole Commune (PAC)
    - Tournez la page et engagez-vous !



    Nous, représentantes et représentants du Mouvement d’Action Paysanne, paysannes et paysans, productrices et producteurs, artisanes et artisans, travailleuses et travailleurs ruraux et mouvements associatifs partenaires qui les soutiennent.
    Nous, avant tout citoyen-ne-s, nous demandons à nos futur-e-s élu-e-s de saisir l’occasion des élections communales de 2018 pour s’engager résolument et fermement en faveur des biens communs que nous leur confions. Nous sommes convaincus que l’agroécologie paysanne1 est un levier et un pilier de la sauvegarde de notre environnement, un outil de résilience pour que nos sociétés puissent continuer à vivre, à produire et à se nourrir décemment aujourd’hui et dans le futur.

    Le Mouvement d’Action Paysanne asbl


    1 L’agroécologie paysanne, telle que nous la revendiquons (membres de La Via Campesina Internationale) est basée sur les savoirs, savoir-faire, savoir-être et savoir devenir des paysans-ne-s et des communautés. Elle se développe sur des terroirs vivants et riches en biodiversité grâce à des pratiques et des connaissances enrichies et transmises au fil des siècles, échangées, partagées, complémentaires entre paysans. Au travers de nos propres innovations, recherches et méthodes de sélection et d’amélioration des espèces cultivées et des races animales, elle met la vie au cœur de toute intervention. C’est un mode de vie solidaire basé sur des pratiques transmises, valorisées et partagées, sur des valeurs et des principes communs notamment les droits humains. Par sa dimension philosophique, sociale, environnementale et économique, elle intègre toutes formes d’agriculture écologique, biologique, équitable. Elle est la clef d’aujourd’hui et de demain pour préserver l’humanité et la planète et la réponse à la demande de protection, de sécurité et de pérennité de la planète et de l’humanité. La solidarité entre les peuples, entre les populations rurales et urbaines, est un ingrédient essentiel à sa réalisation. Fait au CIFAN, Selingué, Mali, le 21 Avril 2017.


    Contexte


    À l’heure de la découverte de nouvelles dérives alimentaires graves en Wallonie, nous sommes déterminé-e-s à ne pas laisser la grande distribution nous déposséder de notre environnement et de la capacité à se nourrir sainement. L’agro-industrie et son fonctionnement mènent un combat sur les prix à la baisse au détriment des productrices et producteurs alimentaires, mettant ainsi en péril tous les systèmes agricoles ruraux à travers le monde. Les conséquences de ce combat ? La précarisation du monde paysan, sa mise en compétition inéquitable avec des acteurs industriels et la mise en péril de nos maillages écologiques, de notre environnement, de notre santé, du tissu social et culturel, mais aussi de nos savoirs, savoir-faire, savoir-être et savoir-devenir paysans.

    La mondialisation de l’économie a entraîné encore plus de dépendance de notre agriculture. On sait aujourd’hui que l’agriculture industrielle « modèle » consomme neuf calories énergétiques (principalement issues du pétrole) pour produire une calorie alimentaire ! Pourtant, « la petite agriculture est la plus performante et produit actuellement sur notre planète les 2/3 de nos besoins alimentaires. Il est donc temps que les politiques européennes en prennent conscience et mettent en œuvre des mesures pour encourager l’agriculture paysanne. » [Olivier de Schutter, ancien rapporteur de l’ONU]

    A l’heure où le réchauffement climatique n’est plus à prouver, à l’heure de la remise en cause légitime d’une agriculture grande consommatrice d’une ressource limitée (le pétrole !), alors que certaines grandes villes mettent en œuvre une ceinture alimentaire2 et que de nombreuses communes se sont déclarées hors traités de libre-échange (TTIP, CETA, MERCOSUR) pour préserver leur agriculture, nous voulons : que nos communes et leurs élu-e-s, nos plus proches représentant-e-s, se situent à l’avant-garde du défi à relever.

    Dans ce contexte, nous vous proposons une gestion des biens communs en collaboration directe avec les mouvements citoyens de votre commune par l’engagement concret et local au respect de cette Charte Commune paysanne.

    2 Les projets de ceinture alimentaire visent à dépasser les initiatives isolées en rassemblant les acteur.trice.s de la transition agroécologique, en identifiant les besoins prioritaires pour le développement des filières locales, en mutualisant les outils et savoir-faire et en développant des liens avec les mangeur.euse.s. Voir par exemple la présentation du projet de ceinture alimentaire à Liège : www.catl.be



    Constat


    L’importance et la singularité du secteur de l’agriculture paysanne dans les relations économiques nationales et internationales sont indéniables. Secteur économique de première importance et qui n’a rien d’anodin, il nous nourrit. Cette agriculture ayant une influence non négligeable sur l’environnement, elle est un chemin efficace de restauration de l’environnement (paysage, biodiversité) et de pérennisation de sa qualité pour les générations futures. L’agriculture est un moyen de résilience primordial de nos sociétés face aux changements environnementaux, sociaux et économiques. Les dysfonctionnements des marchés agricoles dus à la présence de groupes très puissants (grande distribution, finance, industrie semencière,…) nous alertent sur le risque que leur vision et activité font courir à l’environnement et la société future.

    Nous, représentant-e-s du Mouvement d’Action Paysanne, avant tout citoyen-ne-s, sommes convaincus que :

    • le développement actuel du secteur entraîne la disparition d’un tissu rural local, paysan, artisanal, représentant une identité, des savoirs et un terroir ;
    • les communes sont le lieu politique le plus adéquat pour prendre des décisions qui aideront la paysannerie et profiteront aux citoyens locaux ;
    • l’agroécologie paysanne permet d’augmenter l’autonomie, l’indépendance et la résilience de nos régions car elle est respectueuse de l’environnement, des agriculteurs et des citoyens ;
    • la souveraineté alimentaire est l’alternative essentielle aux systèmes agroindustriels destructeurs
    • une agriculture locale, agroécologique et paysagère est source d’harmonie et de création de bien-être au niveau communal
    • les conditions économiques du futur vont drastiquement changer. Le secteur agricole doit s’adapter et que le chemin le plus adapté est celui de l’agroécologie. Ce cheminement passe par les Communes, les citoyen-ne-s, les élu-e-s.

    Leviers pour agir
    Dans ce contexte et face à ces constats, nous trouvons important de proposer des leviers d’actions, quelques axes majeurs sur lesquelles la commune peut jouer favorablement. Nous proposons de travailler ensemble
    1. l’autonomie et la résilience du système agricol ;
    2. l’accès à la terre, l’installation et la formation agroécologique ;
    3. l’alimentation et les modes de consommation et enfin ;
    4. la PAAC3 (Politique Agricole et Alimentaire Commune) comme alternative à la Politique agricole commune (PAC).

    Vous trouverez, ci-dessous, un bref descriptif de ces 4 axes de travail, de ces quatre leviers pour engager ce changement au niveau communal. Le détail, en quelques propositions concrètes pour chaque point, est repris dans le Référentiel d’engagement à la Charte Commune Paysanne qui suit ce texte.

    3 PAAC : Politique Agricole et Alimentaire Commune dans le cadre de la souveraineté alimentaire. Objectifs : Maintenir et développer une agriculture paysanne, durable et sociale, qui nourrisse la population, préserve l’environnement, la santé et entretienne des paysages ruraux vivants. Pour cela, les paysannes/paysans doivent d’abord vivre principalement de la vente de leurs produits, grâce à des prix agricoles stables et rémunérateurs. Condition nécessaire à leur reconnaissance économique, donc à l’attractivité du métier pour les jeunes - Réserver le soutien public aux modes de production et aux exploitations qui sont bénéfiques pour l’emploi et l’environnement - Relocaliser le plus possible l’alimentation et enrayer la mainmise de la grande distribution et de l’industrie sur la chaîne alimentaire.


    1. autonomie & résilience


    L’autonomie et la résilience sont liées, dans le cadre de cette charte, à la souveraineté alimentaire et à la gestion de biens communs. Les citoyens de la commune, y compris les paysans, ont la responsabilité de discuter et de décider quel type d’alimentation ils désirent, comment celle-ci doit être produite et, comment, ensemble, ils peuvent gérer cette production.

    Ces deux concepts ont pour objectif de permettre la mise en place de politiques agricoles et alimentaires en vue de satisfaire les besoins des citoyens actuels, sans mettre à mal la capacité de la Commune – dans ses politiques futures et dans la gestion des biens qu’elle a sous sa responsabilité – d’assurer le bien-être des citoyens futurs.


    2. installation, formation, accès à la terre (notamment communale)


    Le nombre de fermes actives ne cesse de chuter, alors qu’au niveau local, nous pouvons aider à la création de dix petites fermes résilientes et écologiques, pourvoyeuses d’emploi en lieu et place d’une seule grosse ferme utilitariste, souvent vouée aux contrats agricoles au profit d’entreprises extérieures qui ne prennent aucun soin du sol. Qui voudrait à terme vivre au sein de villages sans paysan-e-s ? La plupart des communes possède des terres arables, des prairies, des forêts. La gestion (et l’usage) de ces terres est rarement connue des citoyen-ne-s, transparente, abordable en dehors des conseils communaux. Ces terres pourraient pourtant servir de levier de résilience alimentaire et d’une micro-politique de choix agricoles essentiels au niveau communal. Il est pourtant possible de développer des espaces-tests maraîchers sur chaque commune, de faciliter l’accès au logement et/ou à l’habitat léger sur le lieu de production des installé-e-s, de rendre possible la domiciliation sur place dès la création d’activité. Les communes peuvent aider concrètement à une première installation. Encourager des partenariats et conventions avec les communes pour la mise à disposition de terrains, de locaux, l’entretien des espaces verts est envisageable pour les nouveaux installés avec un projet agricole en relation avec cette Charte.


    3. alimentation/consommation des productions locales paysannes


    Aujourd’hui, alors qu’il n’y a plus de doute sur la toxicité des aliments contenant des pesticides, nous ne pouvons plus accepter que nos bébés (à la crèche), nos enfants (à l’école) et nos grands parents (en maison de retraite) soient nourris avec des aliments nocifs. Nocifs pour leur santé, mais également pour notre environnement, notre paysage, notre sol, notre air, nos cours d’eau, nos nappes phréatiques,… A côté des ces enjeux sanitaires, il est également important de comprendre que notre système alimentaire est sous flux tendu et qu’au moindre choc pétrolier il ne sera plus capable de nous alimenter. Nos campagnes ne nous nourrissent plus mais alimentent l’industrie. Il n’y a que l’agriculture paysanne (ancrée localement tant au niveau de ses intrants qu’au niveau de la commercialisation en filières courtes) qui peut relever ce défi. Il est donc urgent de créer des filières de distribution alimentaire locales et rémunératrices pour les paysans et de garantir une qualité de la nourriture dans le respect de l’environnement à l’aide du Système Participatif de Garantie (SPG)4.

    4 SPG : Les Systèmes Participatifs de Garantie sont des systèmes d’assurance qualité orientés localement. Ils certifient les producteurs sur la base d’une participation active des acteurs concernés et sont construits sur une base de confiance, de réseaux et d’échanges de connaissances (IFOAM). Voir brochure sur www.ifoam.bio


    4. la PAAC (Politique Agricole et Alimentaire Commune), alternative à la Politique Agricole Commune (PAC)


    Vu la dérive des PAC ces dernières décennies, nous vous proposons une politique agricole alternative, paysanne et locale : aider et encourager l’installation et le maintien de petites fermes sur nos territoires ! Nous souhaitons que nos campagnes restent vivantes et attractives économiquement. Il faut freiner l’exode rural, en finir avec le village dortoir, l’urbanisation des villages. Il nous semble primordial de revoir plus de paysan-ne-s à l’œuvre, car elles et eux sont à la base de tout soin à la vie : terre, plantes et animaux. Sans la volonté d’un retour à l’installation de paysan-ne-s dans nos villages, ce qui s’annonce, c’est leur disparition et leur dépendance vis à vis de l’industrie agro-alimentaire. Mais alors, que faire ? Viser la souveraineté alimentaire localement. Et cela passe par le développement d’une petite agriculture plus résiliente, surtout face au défi des perturbations climatiques, économiques et énergétiques en cours et à venir. Priorité au commerce basé sur le circuit-court pour dynamiser le tissu agricole paysan et favoriser la biodiversité ! Dans les décisions communales, priorité à une agriculture paysanne moins énergivore, plus petite, pérenne et pourvoyeuse d’un emploi local qui a du sens5.

    5 Pour une Politique Agricole et Alimentaire Commune dans le cadre de la souveraineté alimentaire (La Via Campesina Internationale). Nos objectifs : Maintenir et développer une agriculture paysanne, durable et sociale, qui nourrisse la population, préserve l’environnement, la santé et entretienne des paysages ruraux vivants. Pour cela, les paysannes/paysans doivent d’abord vivre principalement de la vente de leurs produits, grâce à des prix agricoles stables et rémunérateurs. C’est une condition nécessaire à leur reconnaissance économique, donc à l’attractivité du métier pour les jeunes - Réserver le soutien public aux modes de production et aux exploitations qui sont bénéfiques pour l’emploi et l’environnement - Relocaliser le plus possible l’alimentation et enrayer la mainmise de la grande distribution et de l’industrie sur la chaîne alimentaire.



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